mercredi 25 février 2015

« Soumission » de Michel Houellebecq, Flammarion, 2015 (F)


Voici un livre bien difficile à chroniquer. Trop de mélanges entre un style et une histoire, entre polémique et réalité, entre provocation et vision de l’auteur.

Pour le contexte, les élections présidentielles en France de 2022 voient la victoire du parti de la Fraternité musulmane grâce à une coalition allant des partis de gauche aux partis de droite contre le Front National de Marine Le Pen. 

Pour l’histoire, François un jeune professeur de littérature à la Sorbonne, spécialiste de Huysmans, ami de Zola, est l'observateur privilégié des changements en cours avec le nouveau pouvoir en place. La France s’islamise alors : polygamie, universités privatisées, baisse de la délinquance (joli amalgame…), les femmes restent à la maison contribuant à la baisse du chômage, fermeture de certains magasins, … Un jeune professeur d’abord inquiet fuyant Paris et les événements mais qui finira par se convertir et n’avoir rien à regretter.

J’aurais aimé mettre de côté toutes les polémiques concernant la vision de l’auteur sur l’Islam et la société française. Mais finalement le peut-on réellement tant Houellebecq les utilise et les intègre dans ses romans ? Évidemment le style est là et on se laisse porter par ses effets « patchwork » à la Houellebecq, passant de la vie de l’universitaire (rythmée, entrainante et plutôt drôle) à la vie politique française (vision terriblement simpliste et raccourcie) et aux définitions wikipediennes (qui m’ont lassé car déjà vues). 

Alors au final, un roman qui partait bien et qui rapidement m’a lassé voire agacé par de gros sabots entachant le récit, malgré quelques bouffées d’oxygène. Ce livre nous oblige à réagir sur des sujets brûlants trouvant écho dans l’actualité. Seulement, j’ai besoin de croire à une histoire et les clichés sont trop forts pour moi. J’ai beau me dire que Houellebecq grossit le trait, qu'il interroge la société, qu'il fait une photographie des angoisses ou des espoirs de la société ou qu’il ne s’agit que d’un roman, la difficulté à me faire un avis montre que l’on dépasse ce simple cadre tant les lignes entre réalité et fiction sont brouillées… 

Coup de maître d'un auteur de génie ? Raté pour moi en tout cas pour le coup de maître.

lundi 23 février 2015

"Dernier jour sur Terre" de David Vann, Gallmeister, 2014 (EU)

Le 14 février 2008, Steve Kazmierczak, 27 ans, tue froidement 5 personnes et en blesse 18 autres sur le campus de son université, la Northern Illinois University. Il se suicide juste après avoir commis son acte, sans laisser la possibilité d'un jugement pour les victimes et leur famille.

"Après le suicide de mon père, j'ai hérité de toutes ses armes. J'avais 13 ans".

C'est pas cette phrase que David Vann commence. Il met en parallèle dans "Dernier jour sur terre", sa propre histoire avec celle de Kazmierczak. Un parcours proche, des idées noires partagées, des possibilités de passer à l'acte. Mais l'un des deux ne franchit pas la ligne. On découvre alors les multiples facettes de l'être humain, les chances qui ont été offertes mais pas saisies, les actes manqués qui rapprochent chaque fois un peu plus de la tuerie. De multiples questions sur le suivi psychologique d'un individu déséquilibré, sur les conséquences du harcèlement subi, sur la libre circulation des armes, ...

Sans apporter de réponses qui auraient pu atténuer l'acte ou offrir des excuses, David Vann semble surtout chercher à comprendre comment lui même est parvenu à rester sur le (presque) droit chemin. Un véritable travail d'enquête s'appuyant sur les témoignages des acteurs du drame, pour dessiner le portrait psychologique du tueur. Des passages terrifiants évidemment sur la froideur d'un geste commis en toute conscience mais surtout sur cette montée progressive vers l'acte final, malgré les mains tendues. Un livre fort et dérangeant comme sait les écrire David Vann (Sukkwan Island) remarquablement écrit, sur l'Amérique bien sûr, mais également sur la complexité de l'âme humaine loin, très loin de tout manichéisme.

lundi 16 février 2015

"L'enfant des Marges" de Franck Pavloff, Albin Michel, 2014 (F)

Depuis la mort de son fils, Ioan s’est retiré dans les Cévennes réduisant sa vie sociale au strict minimum. A l’image des villes qu’il photographiait dans ses reportages, vide et en ruine, il se contente de déplacer des pierres pour reconstruire les murs. Le retour au monde est forcé par l’appel à l’aide de sa belle-fille. Son petit-fils, Valentin est parti dans un squat à Barcelone. Ioan ne résiste pas à cet appel et se rend obligé en Catalogne. Derrière le décor de la ville de Gaudi, les rencontres lui redonnent un peu d’oxygène sur fond d’histoire espagnole et de quête personnelle.
Franck Pavloff offre une très belle histoire, humaine et sensible. Certains y trouveront sans doute quelques longueurs (et il y en a peut-être), mais « L’enfant des marges » fait partie de ces histoires qui mûrissent en vous après avoir refermé le livre. Une réflexion sur nos libertés. Un roman qui, s’il trouve écho en vous, ne restera pas sans lendemain.